11 August 2016

Musique de cristal

Dans le cadre du festival Au Grès du Jazz, nous étions en concert au Musée Lalique avec le trio Kapsa Reininger Fleau pour présenter notre album La ligne de Kármán. Voir l’article ci-dessous.

Ils sont la nouvelle génération de jazzmen français, mais sans les défauts de la jeunesse. Ils ne cherchent pas à montrer de quel bois ils se chauffent. Ils ne tentent pas de forcer la note. Leur force, c’est une solide structure de composition permettant d’improviser sans jamais perdre une ligne mélodique qui, sans être démagogiquement pop (horreur !), est capable de déclencher de vraies émotions.

Avec Jean Kapsa, Antoine Reininger et Maxime Fleau, le jazz joue une partition intime, souterraine, chtonienne, appuyée sur des structures invisibles mais qui tiennent tout le reste. Une contrebasse bien campée, solide comme le roc, un piano qui réchauffe de l’intérieur les morceaux doucement incandescents, une batterie nerveuse qui craquelle et qui zèbre la roche de fissures fines où la mélodie s’égrène comme du sable. La roche, le sable, matières premières du cristal.

Eux-mêmes l’évoquent pendant le concert : leur jazz a quelque chose du cristal. Riche et fragile, aux reflets scintillants. Comme du cristal, au premier abord on le croirait transparent, mais avec un peu d’attention on en découvre les aspérités qui lui procurent une pudique opacité.

Ce sont des mélodies fines mais coupantes, qui parfois se cassent d’un coup, comme brusquement jetées par terre, puis se refondent et se recomposent en autre chose. La remarquable maitrise des ambiances, alternance et variations de notes et de silence, en une dialectique sonore du vide et du plein, contribue à produire, par un degré élevé de température, une tension à couper le souffle. Soufflant eux-mêmes le chaud et le froid, modelant la forme et l’informe, ces verriers du jazz parviennent quelques fois au point de fusion avec un public chauffé à blanc. Sensible à une musique d’intériorité qui, avec élégance, raconte des histoires - on ne sait trop lesquelles, mais on peut les entendre entre les notes chuchotées.

— Emmanuel Viau

Le trio Kapsa Reininger Fleau au festival Au Grès du Jazz