Jazz in the Park
De retour de Cluj en Roumanie, où nous jouions avec Festen au festival Jazz in the Park. Un concert avec deux remplaçants sur les quatre musiciens, Mathieu Gramoli à la batterie et Jean Stengel à la basse, ce qui est assez rare mais qu’il faut prévoir. Ce qu’il faut aussi prévoir lors de ce genre de voyage (un total de 4000 km en 24h, pour une heure de concert), c’est une bonne conscience de son empreinte écologique, et des réserves d’énergie. Or je me suis rendu compte que lorsque je puise dans ces réserves, je le paye forcément d’une manière ou d’une autre, de manière insidieuse mais très claire. Le cerveau commençant à provoquer des défauts d’attention, les petits pépins et les dérèglements arrivent (coupure, brûlure, blessure, oublis…) ou bien la fatigue physique favorise un début de tendinite. Cette fois-ci, avec 4h de sommeil en deux jours, ce fut une douleur inexpliquée à l’épaule et un train loupé pour aller jouer à Saint-Raphaël le lendemain du retour de Roumanie. Je pense aussi au chauffeur qui nous a emmené de Paris à l’aéroport de Beauvais le samedi matin, il m’expliquait avoir été sur la route sans relâche pendant trois jours et n’avoir dormi que quelques heures, or sa conduite était particulièrement mauvaise. Son collègue, qui devait venir nous chercher le lendemain à Beauvais, ne s’est lui même pas réveillé, sans doute abattu par les heures au volant. En cette période post-caniculaire, j’eu l’impression que la tendance était à l’exploitation des dernières ressources.
Un séjour express à Cluj-Napoca donc, avec quand même un aperçu de la richesse et de la dynamique de cette ville. Dans l’après-midi nous avons fait une interview sur Radio Guerrilla, une radio nationale roumaine qui nous fit passer un bon moment. Notre ami bassiste Jean Stengel, qui arrivait lui de Bordeaux, passa la journée dans un double vol Bordeaux-Bâle-Cluj, et arriva juste à temps pour la balance. Son expérience de Cluj fut encore plus limitée que la nôtre, mais sa capacité phénoménale à s’endormir n’importe où et n’importe quand lui permit de garder une certaine fraîcheur (je l’avais déjà vu à l’œuvre lors de notre tournée en Colombie en 2016. Assis à ses côtés dans l’avion, je n’avais pu que constater cette facilité qu’il avait de profiter de chaque long trajet pour rattraper les courtes nuits). Ce fut l’occasion de revoir le musicien Christophe Chassol qui jouait après nous. Je l’avais rencontré en 2014 à la Cité de la Musique, ce soir-là je faisais un quatre mains improvisé avec Nils Frahm et lui jouait en deuxième partie. Après le concert on nous emmena dîner au Samsara Foodhouse, restaurant végétarien plutôt original de Cluj, où je pus par exemple tester le shot de spiruline, qui ne me fit pas vraiment rattraper mon manque de sommeil. Nous finîmes la soirée invités à rejoindre la jam session quotidienne qui rythmait le festival, mais nous ne fûmes que spectateurs dans ce bar très animé et bondé qui nous fit nous rapprocher trop rapidement de l’heure du retour pour Paris. Rentrés à l’hôtel, une nuit de 2h nous attendait avant de repartir pour l’aéroport. Au lever, je profitais d’une porte ouverte dans le couloir pour faire un détour sur le toit-terrasse de cet hôtel appelé Belvedere qui était le point culminant de la ville de 400 000 habitants. Ce crépuscule sur Cluj ne fit que confirmer l’impression énigmatique et partielle qui me restera de ce pays.